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Guy Héraud était un ami de François Fontan. Ce texte a été publié pour la première fois dans le n° 76-77 de la revue "L'Europe en formation" de juillet-août 1966, organe de presse du Centre International de Formation Européenne. Force est de constater qu'il n'a pas pris une ride. C'est la réponse adéquate à un article paru dans Médiapart (le 24 avril 2013) assimilant l'ethnisme à du racisme. Gèli Grande

Ce texte est aussi dédié à tous nos amis de l'ensemble des continents et tout particulièrement à nos amis de l'Azawad. JMP

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Qu’est-ce que l’ethnisme ?

Par Guy Héraud

On commence à prendre conscience de l’importance des tensions culturelles et raciales dans le monde et à leur supposer un caractère primaire spécifique. Le gouvernement français vient ainsi de créer à l’Université de Nice un Institut d’études des relations inter-ethniques ; le sixième congrès mondial de sociologie (Evian, 4-11 septembre 1966) a retenu comme thème d’un rapport le sujet : « Tensions culturelles et raciales et relations internationales ». La Revue internationale des sciences sociales, éditée sous les auspices de l’U.N.E.S.C.O. fait une large place aux questions raciales [i] Et le pape Jean XXIII lui-même a condamné dans l’encyclique Pacem in terris « toute politique tendant à contrarier la vitalité et l’expansion des minorités » et surtout « quand ces manœuvres visent à les faire disparaître ».

Ainsi se voient confirmées par un vaste mouvement d’intérêt les préoccupations de certains précurseurs, tel, en France, M Abel Miroglio, fondateur du Centre de recherches et d’études de psychologie des peuples et de la Revue de psychologie des peuples[ii] - qui fêtait en 1966 ses vingt années d’existence.

I – De l’ethnologie à la science ethnique

Il nous est apparu nécessaire de dégager et de cerner avec précision l’objet de cette science nouvelle, à laquelle l’usage tend à donner l’appellation de science ethnique ou d’ethnisme[iii] (les spécialistes étant les « ethniciens » ou « ethnistes »). La science ethnique ne fait double emploi ni avec l’ethnographie, ni avec l’ethnologie. L’ethnographie –descriptive » l’ethnologie – explicative – se limitent à l’étude des civilisations et des cultures en excluant, consciemment ou non, la dimension politique et la dimension économique. Les faits politiques et économiques ne sont abordés que s’ils se présentent à l’état rudimentaire mal différencié. Il en est ainsi aussi de la psychologie ethnique que les ethnologues ne retiennent que si elle est restée « primitive » (que l’on reconnaisse ou non à la mentalité primitive une nature originale). Ainsi l’ethnographie et l’ethnologie ont-elles une prédilection pour les peuples de la préhistoire et de la protohistoire, ethnies éteintes ou en voie d’extinction – par disparition physique ou par absorption. Elles s’intéressent encore aux sociétés contemporaines de l’âge pré-industriel. Et s’il leur arrive de se pencher sur des peuples modernes, ces sciences évitent alors soigneusement les aspects politique, économique et psychologique, se contentant d’appréhender les institutions les plus extérieures et, la plupart du temps, résiduelles ou sclérosées. Ainsi l’ethnologie n’a guère de prise sur les ethnies modernes ; et quand elle s’en saisit, c’est sous un angle purement sociologique, et en excluant tout particulièrement les considérations de science politique et de psychologie nationale.

De la société pré- ou proto-historique à la société industrielle, il y a sans doute de telles différences de nature que cela justifie le cantonnement de l’ethnologie dans l’étude des structures et de l’évolution des ethnies de l’ère pré-industrielle. Mais il semble aussi que cette limitation volontaire relève de la timidité. L’ethnologie n’ose pas toucher aux sociétés évoluées et les traiter en objet. Il est assurément plus confortable d’étudier l’Amok malais que l’agressivité chez le peuple allemand ; on encourt moins de réprobation à décrire la susceptibilité des Kwakiutl qu’à examiner la vanité nationale chez les Français[iv]. Et personne ne vous en voudra de lever le voile sur les procédures unanimistes de décision en vigueur chez les Navajos, alors qu’il peut sembler bien impoli de scruter de trop près la « particratie » bruxelloise. A Ethnologie et Langage chez les Dogons, de Mme Geneviève Calame-Griaule[v] - livre « qui éclaire à partir d’un cas particulier les problèmes des rapports d’une société à son langage[vi] », - on souhaite vivement une enquête sur le rôle de l’eskuara dans le maintien des structures basques.

Le texte complet en Pdf ci après.

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