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RÉACTIONS D’UN ETHNISTE NATIONALISTE OCCITAN FACE AU BREXIT

 

- Quelle différence ?

Les anglais n'ont jamais réellement intégré l'Europe ("un pied dedans, un pied dehors" disent les commentateurs) ou alors seulement comme cheval de Troie des USA. Leur départ sera accompagné de tellement de nouveaux traités que la situation risque de ne pas changer fondamentalement.

- Une chance pour l'Europe.

* Les Anglais étaient parmi les plus acharnés dans la lutte pour la libéralisation totale de l’économie : il n'est que de voir les accommodements et autres dérogations que Cameron avait arrachés à l'Europe avant le referendum et qui, d'ailleurs, ne faisaient que prolonger les avantages exorbitants qui avaient été accordés à ce pays dès son adhésion. Sans eux peut-être arrivera-t-on plus facilement à mettre en place une Europe sociale - et fiscale - appelée de ses vœux par le "peuple" dans les différentes ethnies qui la composent. Est-ce le sens du projet du président français ? Wait and see!

* Si, conséquence du Brexit, l'Écosse parvenait à l'indépendance, ce serait un pas vers l'Europe des peuples. Il y a peu, les dirigeants européens menaçaient les catalans de les rejeter de l'Europe en cas de sécession : on va devoir maintenant accepter de voir en face la réalité qui fait des peuples en cours de libération les plus européistes qui soient, tout le contraire de ce qu'on voudrait faire passer pour un odieux populisme.

- Vieux et jeunes / incultes et diplômés

J'ai entendu maintes fois parler sur les ondes d'un divorce entre vieux sans formation et jeunes très diplômés. Mais quels sont ces jeunes qui ne pensent plus en termes "nationaux" (et, accessoirement, quels sont les diplômes dont on nous rebat les oreilles)? Ce ne sont pas, apparemment, les jeunes ouvriers ou les jeunes agriculteurs, mais bien plutôt ceux qui ont fait certaines études, celles qui leur ont bourré le crâne de mondialisation néolibérale. En gros, les producteurs se méfient plus de l'Europe technocratique que les commerciaux, quel que soit leur âge. En tant qu'enseignant de classes terminales, je crois être bien placé pour juger de cette prétendue élévation du niveau d'études et j'ai pu constater la dévalorisation progressive de nos diplômes. Comme disait un vieux : "Mai van a l'escòla, mai son bèstias".

En tout état de cause, il n'y a aucune raison de préférer le jugement de jeunes sans expérience à celui d'anciens plus méfiants et dont la mémoire des événements historiques n'a pas encore été touchée par l'Alzheimer. D'autant plus que cette référence à la "jeunesse" se fait dans un contexte de critiques réitérées contre des retraités trop avantagés, "nantis" comme "ils" disent. On se garde bien d'ailleurs d'expliquer à ces jeunes revendicatifs que, si leurs parents ont des retraites insuffisantes ou une mauvaise couverture sociale, ce sera à eux de les prendre en charge (obligation alimentaire envers ses ascendants). Autre argument : les jeunes en question sont-ils prêts à travailler autant d'heures par semaine que l'ont fait les actuels retraités ?

- Voyages et enracinement

Le phénomène des étudiants gyrovagues (errants à la manière de certains moines) n'est pas nouveau comme certains voudraient le faire croire (il est connu depuis le Moyen-Âge) et deux grands occitans, Miquel Eyquem de Montanha et Miquel de Nòstradama, ont écrit sur leurs voyages. L'universalité de l'emploi du latin en Europe facilitait la communication, mais l'intérêt intellectuel de ces déplacements se révélait dans la mesure où la diversité reconnue permettait des échanges fructueux. On cherchait à l'époque à se confronter à l'altérité et l'exercice universitaire le plus prisé était la disputatio (débat) dans lequel la thèse opposée (même la plus inconvenante) devait être soutenue par un advocatus diaboli (avocat du diable), ce qui nous éloigne du "politiquement correct" actuel. De nos jours, l'usage de l'anglais sert trop souvent de véhicule à une "culture" (sic !) américaine dominante.

Seule la recherche de l'enracinement - chez soi et chez les autres - peut éviter aux dits étudiants de se comporter comme des touristes en croisière qui débarquent de leur paquebot pour acheter quelques cartes postales et rembarquer sur le champ.

- "Peur de la mondialisation"

Si les "jeunes" ne craignent pas la mondialisation néo-libérale et la financiarisation de l'économie, c'est parce que

1) ils n'ont encore jamais produit de richesses réelles,

2) ils considèrent le problème avant tout sous l'angle des échanges culturels et universitaires,

3) on leur fait miroiter des métiers commerciaux dans lesquels ils ne transpireront que sous la langue,

4) on leur fait croire (et encore plus à leurs parents) que l'anglais est la langue universelle et que sa maîtrise leur ouvrira toutes les portes (comme s'il n'y avait pas de chômeurs anglophones !),

5) on leur affirme, depuis longtemps, qu'ils sont l'avenir de l'humanité, affirmation qui mériterait d'être discutée et contextualisée, tant c'est avant tout une banale lapalissade.

- Les riches et les pauvres

On affirme que le Brexit a été voté par les plus pauvres : comment leur reprocher leur constatation triviale que l'Europe les a appauvris au lieu de les enrichir ? Qui a inventé les politiques d'austérité, imposées par une troïka d'irresponsables non élus par le peuple dit souverain (Commission Européenne, Banque Centrale Européenne et Fonds Monétaire International), mais aujourd'hui unanimement condamnées par les plus grands spécialistes ? Si, dans les deux grands pays anglophones, GB et USA, une gauche plus dure est en train de marquer des points, il y a bien une raison à cela. J'ajouterai que l'on commence à réutiliser l'expression que l'on croyait dépassée depuis le Komintern (3° Internationale communiste) de "social-traître".

- Populisme

Le terme démagogie aurait dû suffire à la richesse de la langue sans qu'il soit besoin d'inventer un nouveau mot. Je vois au moins deux raisons à cette innovation :

1) Nos commentateurs ne savent plus distinguer fascisme et extrême droite et préfèrent se servir d'un terme fourre-tout sans fondement historique, sociologique ou politique.

2) les technocrates cherchent à discréditer tout recours au peuple (pourtant officiellement souverain dans une démocratie) ; il leur paraît urgent de "dissoudre le peuple".

On rit jaune en revoyant le sketch des Inconnus dans lequel Didier Bourdon, jouant un politicien qui se prépare à un entretien télévisé, articule en off : "Peuple, piteux troupeau de péquenots, tu pues, pollues et me répugnes". Suite à un problème vestimentaire impliquant Macron, Marianne a pu titrer avec raison : "Le retour du mépris de classe".

- La crise

Les commentateurs sont unanimes sur le rôle dans ce vote de l'appauvrissement dû à la crise. En réalité, la mondialisation s'est accompagnée d'une financiarisation dans laquelle les banques et les actionnaires passent avant les producteurs. La désindustrialisation de la France a suivi sa politique de réduction drastique des exploitations agricoles qui était pourtant censée favoriser l'industrie. Si les fermes-usines sont possibles en Allemagne grâce à un paysage d'openfield (paysage agraire à champs ouverts, sans haie ni clôture) et une main d'œuvre exploitée (ne pas oublier l'étymologie du mot esclave = slave !), les tentatives d'introduction en France de ce "modèle" germanique se heurtent à une opposition de paysans et d'écolos, évidemment qualifiés par les technocrates de réactionnaires et d'allergiques au progrès.

La modernité

Encore un terme que l'on trouve utilisé pour justifier l'abandon des protections sociales : entrer dans la modernité, ce serait rechercher la compétitivité à tout prix, dans tous les domaines.

J'ai du mal à appeler modernité ce qui me semble être l'équivalent d'un "retour du servage".

Les revirements des économistes

Notre époque a cherché à soumettre le politique à l'économique et, en conséquence, les choix politiques à l'inspection préalable des économistes. Or ces derniers se cooptent entre eux en évitant de préciser que l'économie, science humaine, n'est pas une science dure et les lois "objectives" qu'elle croit découvrir se heurtent parfois (souvent ?) à des réactions psychologiques, donc subjectives : il n'est que de voir la brutale chute des bourses après l'annonce du Brexit alors que rien n'a encore été décidé de concret. De plus en plus, les économistes se contredisent entre eux et dans le temps : le FMI a enfin reconnu la dangerosité des politiques d'austérité qu'il avait conseillées, voire imposées. Ce sont vraiment de grands spécialistes... de la diabolique persévérance dans l'erreur ! Cette technocratie n'est qu'une nouvelle mouture du despotisme éclairé... à la bougie.

Bernat FRUCHIER

OCCITAN FACE AU BREXIT.

OCCITAN FACE AU BREXIT.

Tag(s) : #Tribune libre
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